“Les dégustations qui te donnent envie… de repartir”
Je me souviens de cette chaleur d’été qui collait aux joues, d’un gravier trop blanc, d’un portail en fer forgé où trônait une pancarte dorée :
“Dégustation, sur rendez-vous, 25€”. Bon, pourquoi pas.
Je pousse la porte. À l’intérieur : silence, clim, sourire poli. Un bar en granit, quelques verres alignés comme à la parade, et une hôtesse qui récite son texte avec la ferveur d’un répondeur téléphonique.
Je sens déjà que le vin ne suffira pas à sauver l’instant.
Il y a des dégustations qui sentent la terre, le bois, la sueur et la joie.
Et d’autres qui sentent la plaquette PowerPoint, le marketing calibré et la fin de service.
Celles où on te parle du “grand terroir” en regardant l’horloge. Celles où les verres sont dosés au millimètre, comme si on risquait de vider la cave avec une gorgée de trop.
Celles où tu ressors sans rien vouloir acheter, pas par radinerie, mais parce que t’as rien ressenti.
Aucune vibration. Aucun frisson.Juste un passage obligé, propre, tiède, sans âme.
Le pire, c’est que ces dégustations sont souvent payantes et pas pour rémunérer le travail, ce que je trouverais normal. Non, c’est pour “filtrer les touristes”. Mais ce qu’elles filtrent surtout, c’est la vie.
Je comprends la fatigue, les abus, les cars de curieux qui viennent juste pour “boire un coup gratos”.
Mais à force de verrouiller les portes, on ferme aussi la possibilité de la rencontre. Et le vin, sans rencontre, ça devient juste du liquide.
Qu’on fasse payer, d’accord.
Mais si j’achète du vin derrière, la dégustation devrait être offerte.
C’est la moindre des élégances.
Un geste simple, humain, logique.
Un “merci d’avoir goûté, merci d’avoir cru”.
Parce que le but d’une dégustation, c’est quand même de donner envie d’emporter un peu du lieu chez soi — pas de cocher une ligne sur le terminal carte bleue.
Le vin, ça se goûte avec les gens, pas avec des PowerPoints.
Une dégustation, c’est un moment suspendu, pas un tarif horaire.
Ce n’est pas qu’une histoire d’arômes ou de millésimes : c’est une poignée de main, un rire, une grange, un chien qui aboie, un accent.
C’est le vigneron qui t’explique comment il a raté sa cuvée 2017 en t’en servant un verre avec un sourire un peu honteux.C’est cette table en bois où les verres se cognent, où le vin se raconte mieux que dans n’importe quelle brochure. C’est cette chaleur sincère, cette envie de partager avant de vendre.
Et tu sais quoi ?
Quand c’est bon, quand c’est vrai t'achètes. Sans qu’on te le demande.
Je ne dis pas qu’il faut tout offrir.
Je dis qu’il faut donner envie.
Faire payer une dégustation, oui mais avec une âme, un peu d’humanité.
Parce qu’un vin, ça se vend rarement au prix, mais toujours à la sensation.
Et si je ressors avec le sourire,
le vin dans le coffre,
et un peu de poussière sur les chaussures,
alors là, oui vous pouviez me faire payer deux fois.
Les dégustations Ugo 🍷
Où l’on croit encore que le vin, c’est d’abord une histoire d’humains avant d’être une affaire de tarifs.
Commentaires
Enregistrer un commentaire