Les bouteilles qui dorment debout

Les bouteilles qui dorment debout

Il y a toujours une bouteille qu’on planque dans un coin, comme un vin de dessert qui fait tapisserie. Personne n’en parle, personne ne la demande. Et pourtant.

C’est toujours la même scène.

On a bien mangé, trop parlé, un peu trop bu aussi.

Le fromage est là, la lumière a baissé sans qu’on s’en rende compte.

Quelqu’un repousse doucement son assiette, soupire d’aise.

Et moi je me lève. Je vais chercher l’autre bouteille.

Pas celle des beaux rouges ou du dernier blanc nature acclamé.

Non.

Celle qu’on ne sert jamais.

Parce que « c’est trop sucré », parce que « j’aime pas les liquoreux », parce que « j’ai un Uber à prendre ».

Et pourtant.

Quand le Banyuls arrive en fin de soirée, il y a toujours ce silence.

Un petit moment suspendu.

Les verres s’arrêtent en mi-course.

Les visages changent.

Un éclat de figue, de cacao, de pruneau. Un truc qui colle un peu à la bouche, comme un baiser nocturne.

Et là, sans prévenir, la table se transforme.

On se remet à parler. Mais plus lentement.

Plus doucement.

Comme si ce vin venait de rajouter une nappe invisible, un velours.

📍 Lieu :

N’importe quelle table où personne n’attendait ça.

Un dîner chez des potes, un Noël un peu flingué, un dimanche de pluie.

🍴 Accord :

Un vieux Sauternes avec un bleu bien coulant.

Un vin de paille sur une tarte aux abricots tièdes.

Du Rivesaltes sur un silence partagé.

Je me souviens d’un dîner chez une tante, en Bourgogne.

Elle avait sorti un vieux vin de paille qui traînait là depuis quinze ans.

On l’a ouvert en rigolant.

Quelle claque gustative: abricot sec, pain d’épices, orange confite.

Un feu d’artifice.

Même le tonton le plus grognon a souri comme un gosse.

C’est ça, le pouvoir de ces vins oubliés.

Ils surgissent.

Ils déjouent.

Ils désarment.

On a un problème avec la douceur, je crois.

On pense qu’elle est naïve, lourde, inutile.

On a peur d’être ému, de laisser fondre.

On préfère les choses tranchantes, sèches, brutes.

Mais la douceur, la vraie, c’est celle qui arrive après.

Quand tout est posé.

Quand on peut juste écouter.

Ces vins qu’on ne sert jamais, moi je les attends.

Comme on attend un message d’un ancien amour.

On sait que ce ne sera pas tous les jours.

Mais quand ça arrive, ça chavire.

À boire lentement. À contre-courant.

Et surtout : à plusieurs.

Même juste deux.

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À la semaine prochaine.

Ou pas.

(mais garde un peu de place dans ton placard pour un vin sucré qui t’attend depuis dix ans ou plus). 

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