Les vins Orange, kesako ?
Il y a des verres qui te réveillent.
Pas par leur degré, ni leur acidité,
mais parce qu’ils te secouent la langue comme un vin venu d’un autre temps.
Les vins orange, c’est un peu ça.
Un goût de poussière d’amphore et d'aventure. De fruit confit et de thé noir. Un truc ancien… redevenu cool.
Tout a commencé par une couleur.
Un jour, j’ai versé un vin orange dans un verre à quelqu’un qui ne connaissait pas. Il m’a regardé comme si j’avais ouvert un pot de confiture périmée.
« C’est normal cette couleur ? »
Oui.
Et c’est même ça, le début de l’histoire.
Les vins orange ne viennent pas d’un filtre Instagram ou d’un vigneron hipster qui voulait se démarquer au salon d’Angers.
Ils viennent du Caucase, de la Géorgie, là où le vin est né.
Là-bas, on ne séparait pas le jus de la peau : on faisait fermenter tout ensemble dans des qvevris — ces grandes jarres d’argile enterrées dans la terre. Le vin prenait la couleur de la peau, les tanins du raisin, la mémoire du sol.
Puis le monde moderne a voulu du blanc bien clair, du rouge bien net.
Le vin orange, lui, a disparu dans les plis du temps. Jusqu’à ce qu’on s’en lasse.
Alors… comment on fait un vin
orange ?
Techniquement, c’est un vin blanc fait comme un rouge. Et c’est là tout le twist.
Normalement, pour faire un vin blanc, on presse directement les raisins : on garde le jus, on jette la peau.
Mais pour un vin orange, on fait fermenter le jus avec les peaux, parfois même avec les rafles.
Cette macération dure quelques jours… parfois plusieurs mois.
Résultat :
les pigments contenus dans la peau colorent le jus, les tanins s’y installent doucement, et le vin devient plus structuré, plus texturé, plus mordant.
C’est un peu comme si un vin blanc avait pris des cours de boxe avec un rouge. Le résultat dépend du cépage, du temps de macération, du contenant :
certains sont dorés et fins comme du thé blanc, d’autres plus cuivrés, denses, presque amers.
Et souvent, rien n’est filtré.
On laisse le vin vivre sa vie.
Troublé, libre, à l’image du vigneron qui l’a fait.
Le retour des peaux.
Depuis quelques années, les vins orange refont surface.
Pas comme une mode TikTok, mais comme une réminiscence.
Un rappel que le vin, avant d’être calibré, était vivant. Troublé, imprévisible, solaire.
Les vignerons curieux ont remis les mains dedans au sens propre.
Macération pelliculaire, levures indigènes, amphores, œufs béton.
On reparle de texture, de toucher, de grain. On goûte le vin comme on caresse un tissu : rugueux, doux, tannique, salin.
Le vin orange, c’est du blanc qui a appris à parler comme un rouge.
Il a pris de la peau, du muscle, du caractère. Il ne cherche pas à plaire à tout le monde. Il cherche à dire quelque chose.
Et moi, j’aime quand un vin parle un peu trop fort.
Quand il te raconte le champignon et le miel, le coing et le tabac blond,
la fleur fanée et la peau d’abricot.
Quand il fait lever un sourcil autour de la table. Quand il trouble.
C’est un vin qui te met face à toi-même :
Est-ce que tu veux comprendre, ou juste boire ?
Alors, mode ou mémoire ?
Un peu des deux. Comme les disques vinyles, les chemises en lin, ou les tomates anciennes. Ce n’est pas du passé qu’on ressort pour le folklore,
c’est du sens qu’on remet sur la table.
Et dans un monde où tout doit être clair, filtré, rapide, j’aime qu’un vin revienne trouble, lent, sincère.
Un vin orange, c’est comme une conversation qui dérape. On ne sait jamais où ça va, mais on sait qu’on en ressort différemment.
Et si tu tombes sur un vin orange qui te bouscule,
ne cherche pas à le comprendre tout de suite. Laisse-le te parler.
Il n’a pas besoin de traducteur, juste de ton attention.
Parce que parfois,
ce qu’on croit être une mode, c’est juste une mémoire qui remonte à la surface.
🍷 Les Dégustations Ugo
On ne boit pas pour se souvenir.
On boit pour ressentir à nouveau.
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